Présentation
A quoi servirait-il de chercher des voies antérieures aux trames de Stéphane Bernard ? A accumuler les références, à assourdir sa voix, à noyer des poissons solubles ? Lire Combattant varié, entre poèmes comme clos et assertions aux dégagements infinis, entre images intérieures et interrogations du vent, c'est animer les photos du passé, c'est déflorer l'enfance enfouie, c'est passer à travers le mur des miroirs, c'est migrer au sein du V des oiseaux, et c'est relire surtout, chaque section, chaque poème, chaque phrase, chaque période, tant les boucles formées par les signes ont le pouvoir de nous prendre ou de nous perdre au passage.
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Extrait
FERDINANDEA
Il y a cette île, Ferdinandea, en mer de Sicile,
et qui n’existe qu’en de courtes périodes. Elle est
la tête hors de l’eau du volcan Empédocle à son réveil.
Sa colère le portant, Empédocle hissé se fait île.
Plus tard, quand le cratère s’apaise,
la mer s’insinue, fait des bouches éruptives calmées
des lacs où l’eau par chimie rougeoie.
L’île demeure encore un temps île,
puis plonge à nouveau. Le feu alors rendormi
rêve moins de dix mètres sous les vagues.
( page 71)
*
FROID ET LITTÉRATURE (extrait)
...
Je remarque les plaques de glace brisées
comme des vitres par les pieds des joggers.
Sur la seule palissade du retour
quelqu’un a écrit une longue phrase de Tolstoï.
Je pense à sa mort doublement glacée.
Au maître, au serviteur perdus par la neige.
Une sentence comme un vin chaud.
Des mots de secours, encore.
L’idée de se croire apte à un peu de bonté, toujours.
Celle pour réparer.
Ou se taire. Pour que vivre soit avancer. Je rentre.
…
(page 54)